S’attacher. Être attaché.

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Après avidya -l’ignorance- et ahamkara– l’ego, le troisième klesa (affliction ou source de souffrance) est raga, désir, attachement.

II.7 Sukha anusayi ragah

Sukha : bonheur, douceur, bien-être, plaisir
Anusayi : lien étroit, adhésion à
Ragah : attirance, désir irrésistible, attachement.

Le plaisir mène au désir et à l’attachement émotionnel.

L’attachement consiste à ne pas être relié de façon correcte. C’est d’être accroché à quelque chose ou quelqu’un.
Ressentir un besoin pressant d’acquérir quelque chose que nous n’avons pas.
C’est s’attacher. Être attaché. En vouloir encore. En vouloir plus.
Être attaché à un monde transitoire et ne pas aimer le changement.
« Vouloir reproduire une expérience particulière encore et encore, c’est la recherche du plaisir et cela mène à la souffrance. Ce mécanisme compulsif et répétitif tient à notre incapacité de déceler le désir véritable en nous, qui est toujours le non-désir, la paix profonde ». Bouchart D’Orval
La joie? Le bonheur? C’est quand, dit Swami Prajnanpad, « je n’espère rien d’autre que ce qui est ».

Tout un programme.

À bientôt.


Et moi et moi

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Au sutra suivant, Patanjali nous parle de la deuxième source de souffrance (klesa), égoïsme ou orgueil.

II.6 drk darsanasaktyoh ekatmata iva asmita

Drk: pouvoir de vision, celui qui voit
Darsana : pouvoir de voir, percevoir, vision
Saktyoh : capacité, puissance, pouvoir
Ekatmata : de même nature, une seule identité
Iva : comme si
Asmita : égoïsme

L’égoïsme est la confusion entre celui qui perçoit et l’instrument de perception.

Au départ, asmita c’est la conscience d’exister individuellement. Notre individualité unique et sans tache.
Selon B.K.S. Iyengar, la fragile et magnifique tige d’individualité qui réside en chacun de nous, pure dans son origine et dans son intention, rencontre, en évoluant, le phénomène du monde extérieur – vêtements, filles, garçons, voitures, position, titres, argent, pouvoir et influence – et se retrouve subséquemment teintée par lui.
Il devient alors ahamkara, l’ego.
Et l’ego ne fait pas la différence entre le transitoire et le permanent. Il ne fait pas la différence entre apparence et essence.
On compare l’ego au filament d’une ampoule électrique qui, parce qu’il s’allume, croit être la source de la lumière.
L’ego (ahamkara) a un rôle à jouer mais il ne doit pas être le chef d’orchestre. Il fait partie de citta, la conscience, avec les deux autres composantes, manas -le mental, et buddhi – l’intelligence.
L’ego prend ses décisions à partir de la satisfaction des désirs, il choisit ce qui semble agréable, il choisit le paraître plutôt que l’être.
L’ego est un instrument nécessaire à notre vie mais il ne doit agir seul, il ne doit pas se substituer à l’âme.
Lorsque l’ego (ahamkara) prend toute la place, la lumière de l’âme n’éclaire plus la conscience.
« Lorsque l’ego est tranquille, la conscience pressent la réalité de l’âme, et la lumière de l’âme s’exprime à travers la conscience translucide » B.K.S. Iyengar

À bientôt


Errance

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Après avoir identifié (sutra II.3) les sources des souffrances qui nous affligent, Patanjali précise, au sutra II.4, que la première, avidya, l’ignorance (ou errance, aveuglement) est la source de toutes les souffrances, qu’elles soient latentes, faibles, intermittentes ou pleinement manifestées.
Ensuite Patanjali définit avidya :

II.5 Anitya asuci duhkha anatmasu nitya suci sukha atma khyatih avidya
Anitya : impermanent
Asuci : impur
Duhkha : souffrance, détresse, chagrin
Anatmasu : différent de l’âme, ce qui n’est pas le Soi
Nitya : éternel, permanent, constant
Suci : pur
Sukha : joie
Atma : âme, le Soi
Khyatih : opinion, point de vue, idée
Avidya : ignorance, aveuglement, absence de sagesse, errance.

L’ignorance, c’est confondre ce qui est transitoire avec ce qui est permanent, ce qui est impur avec ce qui est pur, la souffrance avec la joie et ce qui n’est pas le Soi avec le Soi.

Nous sommes dans l’ignorance spirituelle quand nous oublions l’essentiel.
Yoga veut dire union. Être en union avec notre nature profonde. Cela veut dire être en contact avec la paix, la joie, la sérénité qui sont en nous.
Mais la plupart du temps, nous sommes en errance. Et plutôt que d’être en union, nous sommes décentrés, désunis. Nous nous éloignons de la source, nous la perdons de vue et la souffrance s’installe. Nous peinons ensuite à retrouver la route vers notre demeure intérieure. N’oublions pas que cette source de sagesse est toujours présente. Il suffit d’enlever le superflu pour la retrouver.

À bientôt


Ce qui nous afflige

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Comme nous l’avons vu, Patanjali dit au Sutra II.1 qu’un effort soutenu (tapas), l’étude de soi (svadhyaya) et l’abandon au divin (isvarapranidhanani) sont les actes du yoga.
Il nous dit ensuite, au Sutra II.2, que ces actes du yoga réduisent les klesa, les causes de souffrances, les afflictions. Il définit celles-ci au sutra suivant.
II.3 Avidya asmita raga dvesa abhinivesah klesah
Avidya : ignorance, aveuglement, absence de sagesse, errance.
Asmita : ego, orgueil
Raga : désir, attachement, passion
Dvesa : aversion, haine, hostilité
Abhinivesa : attachement à la vie, peur de la mort
Klesa : affliction, douleur, souffrance qui perturbe l’équilibre de la conscience.

Les causes de souffrance sont l’ignorance ou absence de sagesse, le désir ou attachement, la haine, l’attachement à la vie et la peur de la mort.
Il faut noter ici, que toutes ces causes de souffrance sont intérieures. Elles ne viennent pas de l’extérieur.
La souffrance, dit Bouchart D’Orval, est toujours une distance. C’est la distance entre la réalité telle qu’elle est et ce qu’on voudrait qu’elle soit, ou qu’elle ait été. C’est l’idée que la réalité pourrait être autre que ce qu’elle est.
La cause de la souffrance étant intérieure, le remède sera aussi intérieur.
N’oublions pas notre nature profonde. Recherchons la lumière. Permettons à notre essence, notre flamme intérieure de briller et de brûler ces obstacles qui nous empêchent de voir sa lumière.
Patanjali nous a donné la recette pour retrouver la sérénité : pratique, étude de soi et abandon au divin.

À bientôt


La recette

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J’ai commencé à écrire ces billets le 19 mars 2020. Une petite tentative d’apporter un peu de lumière, une petite lueur dans ces jours plutôt nuageux. Je m’inspire très librement des Yoga Sutra de Patanjali, source inépuisable de sagesse et de lumière.

Jusqu’ici, nous avons parlé de certains Sutra du premier chapitre, Samadhi Pada. Ce chapitre évoque le but, l’objectif du yoga, -samadhi- quand les fluctuations du mental cessent et que l’âme peut s’établir et resplendir, quand la sérénité s’établit.
Le deuxième chapitre s’intitule Sadhana Pada.
Sadhana peut se traduire par quête, cheminement, effort pour atteindre un objectif, chemin spirituel, ascèse, pratique.
Voici le premier sutra de ce deuxième chapitre :
II.1 Tapah svadhyaya Isvarapranidhanani kriyayogah
Tapas : ascèse, autodiscipline, feu sacré, pratique régulière et sérieuse
Svadhyaya : étude de soi et de textes sacrés
Isvara pranidhanani : abandon au divin, à sa foi personnelle.
Kriyayogah : yoga de l’action
Un effort soutenu, l’étude de soi et l’abandon au divin sont les actes du yoga.

Voilà les trois ingrédients de la recette. : pratique régulière et sérieuse, étude de soi, abandon.
Selon B.K.S. Iyengar, les disciplines de purification des trois composantes de l’être humain, le corps, la parole et le mental, constituent le kriyayoga, le chemin vers la perfection.Nos corps sont purifiés par l’autodiscipline (tapas), nos paroles par l’étude de soi (svadhyaya) et nos esprits par l’amour et l’abandon (ishvara pranidhanani).

Il dit aussi que la pratique (tapas) représente la vie, l’étude de soi (svadhyaya) donne la sagesse et l’abandon (Ishvara pranidanani) donne l’humilité qui mène à la lumière.

S’il y a une croyance que nous pouvons tous partager, c’est qu’il y a en chacun de nous cette lumière, cette grâce, cette noblesse qui peut émerger si nous lui laissons la voie libre.

Pratique, étude de soi, abandon au divin. La recette vers la plénitude.

À bientôt