Ne pas confondre

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Patanjali nous a dit au sutra II.16 que la souffrance à venir peut être évitée. Dans les sutras suivants nous retrouvons un thème important des Yoga Sutra : la cause de la souffrance est l’identification du Soi avec ce qui est perçu et le remède consiste à les dissocier.
Tant que l’intelligence manque de discernement, l’harmonie intérieure est perturbée et la souffrance continue. Lorsque la peine, l’anxiété, la colère, la douleur grandissent, la lumière intérieure n’éclaire plus notre être, ces émotions ou pensées empêchant la lumière de se diffuser.
Quand l’intelligence développe son pouvoir de discernement, elle comprend ou est sa source, et se rapprochant de son essence, qui est la vie elle-même, elle s’éloigne d’états limités et transitoires.

Savoir distinguer le transitoire du permanent n’est pas facile, mais c’est ce que le yoga nous enseigne.

N’oubliez jamais, dit Vivekananda, que ceci n’est qu’un état temporaire au travers lequel nous devons passer. L’expérience est un grand professeur, que ce soit l’expérience du plaisir ou de la douleur, si on se rappelle que ce n’est qu’une expérience. Cela nous mène, peu à peu à l’état ou toutes les choses rapetissent, et le Soi devient si grand que tout l’univers est comme une goutte dans l’océan et disparaît dans le néant. Nous devons vivre des expériences variées mais sans oublier l’idéal.

« La vie spirituelle n’est pas un éteignoir de la joie. La vie terrestre est une grande célébration. Les agréments de tous les jours ne sont ni contraires, ni même neutres par rapport à la vie spirituelle; ils sont bons. Pour celui qui a compris la vie et son unicité, tout est joie ». Bouchart D’Orval

À bientôt


Graine de souffrance

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Dans les sutra suivants (II.10 – II.15), Patanjali nous dit que les klesa (causes de souffrance) créent des fluctuations de la conscience. Des pensées de plus en plus nombreuses et de plus en plus perturbantes s’agitent en nous. Patanjali propose la méditation pour calmer le mental.
Il précise que si la cause de souffrance est à un niveau subtil, on doit la réduire ou la détruire en l’empêchant de germer. Si une graine est desséchée, elle ne pourra germer. De la même façon, lorsque naît un soupçon de désir, de haine ou de peur, il sera plus facile à contrôler si on ne le nourrit pas. On empêche ce début de souffrance de germer.
Patanjali aborde ensuite la question du karma ou loi des causes et effets. Selon le karma, les actions passées sont les germes d’afflictions qui engendrent à leur tour d’autres actions. Principe d’action-réaction dirait peut-être Newton.
Nos actes ont des conséquences. Nos paroles ont des conséquences. Nos pensées ont des conséquences. Ici aussi, parfois il vaut mieux ne pas laisser germer. L’action juste apportera la joie, l’action non-juste apportera la souffrance.

Patanjali ajoute :

II.16 Heyam duhkham anagatam

Heyam : détruire, éviter
Duhkham : souffrance, tristesse
Anagatam : non encore survenue, future

Les souffrances non encore survenues peuvent et doivent être évitées.

« La souffrance passée est terminée. La souffrance que nous ressentons dans le présent ne peut plus être évitée, mais nous pouvons la réduire dans une certaine mesure par la pratique du yoga et le discernement. Les souffrances à venir peuvent être évitées en se soumettant dès à présent à la discipline yogique.
Le yoga est une thérapie préventive nous permettant de consolider notre santé mentale et physique afin de renforcer nos défenses pour détourner de nous, ou nous opposer aux afflictions non encore perçues ». B.K.S. Iyengar

Bonne pratique

À bientôt


Besoin de paix

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Comme on l’a vu, les klesa (afflictions, causes de souffrance) sont très souvent la source de souffrance émotionnelle.
À la fin de son livre Light on life, B.K.S. Iyengar suggère une pratique intitulée : Asanas for Emotional Stability. Les éditeurs de la traduction française du livre, intitulé La voie de la paix intérieure, n’ont pas jugé bon de garder cette pratique dans le livre (qui demeure un livre extraordinaire dont je recommande chaudement la lecture).

Voici une traduction libre de cette pratique.

Cette pratique s’adresse d’abord aux pratiquants réguliers qui connaissent ces postures. La prudence est toujours de mise. Dans le doute, consulter son professeur est toujours recommandé.

Asanas pour la stabilité émotionnelle
Séquence donnée à la fin de Light on Life (B.K.S. Iyengar)

1- Adho Mukha Svanasana, tête supportée, 2-3 minutes
2- Uttanasana supporté, 3-5 minutes (support sous la tête)
3- Sirsasana dans les cordes
4- Viparita Dandasana supporté 3-5 minutes
5- Sarvangasana supporté chaise 5-10 minutes
6- Niralamba Sarvangasana 5 minutes
7- Halasana supporté 5-10 minutes
8- Setu Bhanda Sarvangasana banc, 10 minutes
9- Viparita Karani 5 minutes
10- Pascimottanasana supporté, 3-5 minutes
11- Upavista Konasana, saisir les orteils, se redresser, 2 minutes
12- Baddha Konasana 3-5 minutes
13- Supta Virasana
14- Viloma Pranayama sur expiration assis ou allongé 5-8 minutes
15- Savasana, dos supporté 5-10 minutes

En cas de migraine, 6, 8 et 9 sont conseillés
La séquence 1-3 calme le mental et rafraîchit le cerveau
Les asanas 4 à 10 créent l’équilibre entre l’intelligence mentale et l’intelligence du cœur
Les asanas 11 et 12 stimulent le cerveau vers des pensées positives
L’asana 13 apporte quiétude au corps
L’asana 14 permet d’expérimenter le silence intérieur
Si vous manquez de temps, sautez le no 14

Bonne pratique


La peur de la mort nous gâche la vie

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Dernière dans la liste des klesa (afflictions), apparaît abhinivesa, la peur de la mort.

II.9 Svarasavahi vidusah api tatha arudhah abhinivesah

Svarasavahi : amour spontané de la vie
Vidusah : homme sage, savant, érudit
Api : même
Tatha : de la même façon
Arudhah : étendu, enraciné
Abhinivesah : attachement à la vie, instinct de conservation, peur de la mort

L’attachement à la vie (donc la peur de la mort) est la plus subtile des afflictions. Elle existe même chez les sages.
La peur de la mort est présente en chacun de nous. Nous aimons la vie. La peur de la mort nous gâche la vie!
La peur de la mort est la seule peur ; les autres n’en sont que des variantes, dit Bouchart D’Orval.
Que faire devant la peur? Toutes ces peurs?
J’ai peur mais je ne suis cette la peur.
Il faut prendre soin de la partie de nous qui s’inquiète. Elle a droit à une petite place. Mais pas toute la place.
Les afflictions (klesa) nous empêchent de vivre le présent. Elles nous empêchent d’être heureux.

Revenons aux valeurs sûres. Recréons la paix intérieure. Le yoga nous offre des outils précieux pour ce faire. La pratique des asanas et du pranayama doit être un port d’attache, un refuge ou on trouvera la paix du cœur.

Selon B.K.S. Iyengar, -Si je dis : « Détendez votre cerveau » vous ne pouvez pas le faire. Si je vous mets dans un asana spécifique, votre cerveau se détend et vous devenez calme. Telle est la beauté du yoga. Si vous faites Halasana, votre cerveau devient complètement calme. Si vous êtes mentalement abattu, vous pouvez faire Setu Bandha Sarvangasana pendant 10 minutes, et votre dépression disparaît sans que vous sachiez comment cette transformation s’est produite. Voila comment on utilise le corps pour travailler l’esprit. Lorsque l’esprit souffrant et déprimé est guéri, la lumière de l’âme peut rayonner jusqu’à la surface de notre être -.

Alors, déroulons le tapis de yoga.
Bonne pratique.


Détester

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Les sources d’affliction ou de souffrance sont toujours présentes dans nos vies. Patanjali parle des klesa. Le quatrième de ces klesa est dvesa, haine ou aversion.
On a vu, au sutra II.7, que le plaisir mène à l’attachement.

II.8 Duhkha anusayi dvesah

Duhkha : tristesse, malheur, douleur, chagrin, détresse
Anusayi : lien étroit, adhésion à, qui vient de
Dvesah : dégoût, aversion, refus, haine

Le malheur engendre l’aversion.

Bien sûr, nous n’aimons pas souffrir, nous aimerions éviter le chagrin, la tristesse. Nous détestons ces sentiments. Cette détestation est une sorte de lien. On peut donc se retrouve attaché. -L’aversion, c’est l’adhésion à la souffrance, l’aversion est liée à l’attachement- dit Bouchart D’Orval.
L’attachement au plaisir est une servitude. La détestation, le refus de la souffrance est aussi une servitude. Les deux nous empêchent de vivre dans le présent.
Personne n’est à l’abri de la tristesse ou du malheur. Il ne faut pas le nier.
Toujours se rappeler qu’on est plus grand que l’émotion que l’on ressent. J’ai du chagrin mais je ne suis pas ce chagrin. Je ne veux pas le nier mais je ne veux pas qu’il prenne toute la place. Je ne veux pas qu’il me noie.

Il ne sert à rien de détester le malheur. Cette détestation devient un autre malheur.

Il faut prendre soin de soi. Prendre soin de Soi.
Cultivons la beauté et la bonté.
Cultivons d’abord la bonté envers soi.

Voici une petite prière bouddhiste que l’on peut réciter pour soi :
Puisse la compassion m’envelopper
Puissent ma douleur et ma peine être soulagées
Puissé-je être en paix.

Et pour les autres :
Puisse la compassion t’envelopper
Puissent ta douleur et ta peine être soulagées
Puisses-tu être en paix.

Prenez soin de vous.
À bientôt.