Ce qui nous afflige

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Comme nous l’avons vu, Patanjali dit au Sutra II.1 qu’un effort soutenu (tapas), l’étude de soi (svadhyaya) et l’abandon au divin (isvarapranidhanani) sont les actes du yoga.
Il nous dit ensuite, au Sutra II.2, que ces actes du yoga réduisent les klesa, les causes de souffrances, les afflictions. Il définit celles-ci au sutra suivant.
II.3 Avidya asmita raga dvesa abhinivesah klesah
Avidya : ignorance, aveuglement, absence de sagesse, errance.
Asmita : ego, orgueil
Raga : désir, attachement, passion
Dvesa : aversion, haine, hostilité
Abhinivesa : attachement à la vie, peur de la mort
Klesa : affliction, douleur, souffrance qui perturbe l’équilibre de la conscience.

Les causes de souffrance sont l’ignorance ou absence de sagesse, le désir ou attachement, la haine, l’attachement à la vie et la peur de la mort.
Il faut noter ici, que toutes ces causes de souffrance sont intérieures. Elles ne viennent pas de l’extérieur.
La souffrance, dit Bouchart D’Orval, est toujours une distance. C’est la distance entre la réalité telle qu’elle est et ce qu’on voudrait qu’elle soit, ou qu’elle ait été. C’est l’idée que la réalité pourrait être autre que ce qu’elle est.
La cause de la souffrance étant intérieure, le remède sera aussi intérieur.
N’oublions pas notre nature profonde. Recherchons la lumière. Permettons à notre essence, notre flamme intérieure de briller et de brûler ces obstacles qui nous empêchent de voir sa lumière.
Patanjali nous a donné la recette pour retrouver la sérénité : pratique, étude de soi et abandon au divin.

À bientôt


La recette

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J’ai commencé à écrire ces billets le 19 mars 2020. Une petite tentative d’apporter un peu de lumière, une petite lueur dans ces jours plutôt nuageux. Je m’inspire très librement des Yoga Sutra de Patanjali, source inépuisable de sagesse et de lumière.

Jusqu’ici, nous avons parlé de certains Sutra du premier chapitre, Samadhi Pada. Ce chapitre évoque le but, l’objectif du yoga, -samadhi- quand les fluctuations du mental cessent et que l’âme peut s’établir et resplendir, quand la sérénité s’établit.
Le deuxième chapitre s’intitule Sadhana Pada.
Sadhana peut se traduire par quête, cheminement, effort pour atteindre un objectif, chemin spirituel, ascèse, pratique.
Voici le premier sutra de ce deuxième chapitre :
II.1 Tapah svadhyaya Isvarapranidhanani kriyayogah
Tapas : ascèse, autodiscipline, feu sacré, pratique régulière et sérieuse
Svadhyaya : étude de soi et de textes sacrés
Isvara pranidhanani : abandon au divin, à sa foi personnelle.
Kriyayogah : yoga de l’action
Un effort soutenu, l’étude de soi et l’abandon au divin sont les actes du yoga.

Voilà les trois ingrédients de la recette. : pratique régulière et sérieuse, étude de soi, abandon.
Selon B.K.S. Iyengar, les disciplines de purification des trois composantes de l’être humain, le corps, la parole et le mental, constituent le kriyayoga, le chemin vers la perfection.Nos corps sont purifiés par l’autodiscipline (tapas), nos paroles par l’étude de soi (svadhyaya) et nos esprits par l’amour et l’abandon (ishvara pranidhanani).

Il dit aussi que la pratique (tapas) représente la vie, l’étude de soi (svadhyaya) donne la sagesse et l’abandon (Ishvara pranidanani) donne l’humilité qui mène à la lumière.

S’il y a une croyance que nous pouvons tous partager, c’est qu’il y a en chacun de nous cette lumière, cette grâce, cette noblesse qui peut émerger si nous lui laissons la voie libre.

Pratique, étude de soi, abandon au divin. La recette vers la plénitude.

À bientôt


Inspirant

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Nous avons parlé l’autre jour de l’expiration. Mais avant de pouvoir expirer, il faut inspirer.
Inspiration.
Geste capital qui ne peut se produire pleinement que si la poitrine est ouverte.

La posture influence la respiration. Quand le dos s’arrondit, quand le corps s’affaisse, la poitrine se ferme. Il faut rester conscient de sa posture pour se redresser si nécessaire. Bien sûr, la pratique des asana nous apprend à garder la colonne vertébrale longue, les épaules larges, la poitrine ouverte. Ainsi, nous sommes disponibles.
La posture du corps influence la posture mentale. L’inverse est aussi vrai.
Le cinquième membre du yoga est pranayama, la régulation du souffle. L’apprentissage du pranayama doit se faire auprès d’un professeur.
On peut cependant faire la toute première étape qui consiste à observer les mouvements de la respiration. Peu à peu ces mouvements deviennent calmes et doux. En observant les mouvements du souffle, on apprend à rester dans le présent. L’activité mentale s’apaise et pendant ce temps, les émotions ou les pensées ne peuvent plus nous contrôler. Le mental devient plus stable.
Observez l’inspiration, laissez la devenir subtile et lente.
Inspirez, goûtez le souffle.
Inspirez comme si vous respiriez le parfum très délicat d’une fleur.
Accueillez le souffle comme on accueille un invité précieux.

Inspirer. Être inspirant.
La poitrine ouverte, laisser la vie nous inonder.
La confiance croît. L’esprit devient disponible à l’intuition, à la création, à la vie.
Inspirez.
Soyez inspirants

À bientôt


Souffler

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Pour la première fois, au sutra I.34, Patanjali nous parle de la respiration, toujours dans l’idée de nous donner des moyens pour faire face aux obstacles et atteindre cittaprasadana, le rayonnement serein de la conscience.
I.34 Pracchardana vidharanabhyam va pranasya
On parvient aux mêmes effets (rayonnement serein de la conscience) en maintenant l’état de recueillement ressenti lorsqu’on fait des expirations douces et régulières suivies de rétention passive.
Pracchardana : expiration
Vidharanabhyam : arrêt, rétention
Va : ou bien, aussi
Pranasya : respiration, souffle.

On ne dira jamais assez l’importance de poser notre attention sur le souffle. Le premier signe de vie du nouveau-né est l’inspiration et le dernier signe de vie avant la mort est l’expiration. C’est un lieu commun de dire que la respiration, c’est la vie. Hélas, comme nous l’oublions facilement…
Le souffle, c’est le cadeau de la vie. Il nous visite et repart. On ne le possède pas. C’est notre nourriture la plus précieuse mais elle ne nous appartient pas. Je peux dire voici ma pomme, voici mon idée, mais je ne peux pas dire voici mon air…Le souffle ne s’installe pas en nous et ne laisse pas d’empreinte. Il nous nourrit et nous nettoie et s’en va. Avant de revenir.
Poser l’attention sur le souffle, c’est se rappeler que nous sommes vivants. Gratitude.

Dans le sutra I.34, Patanjali nous parle d’expiration.
Petite pratique :
Je suggère de vous allonger sur le dos, idéalement avec un support sous le dos pour ouvrir la poitrine (une ou deux couvertures ou un traversin). Supporter la tête. (Si le bas de dos est sensible, placez un rouleau sous les genoux).
Prenez quelques instants pour vous détendre. Laissez chaque partie du corps se détendre.
Ensuite, commencez à observer le souffle. Observez son mouvement dans le corps.
Observer le mouvement de l’inspiration, observez le mouvement de l’expiration.
Observer le moment ou l’inspiration s’achève et observez le moment ou l’exspiration commence.
Observez le moment ou l’expiration s’achève et observez le moment ou l’inspiration commence.
Quand vous êtes dans ce moment ou l’expiration s’achève, avant que l’inspiration ne commence, abandonnez-vous. Puis, laissez l’inspiration se faire. Et, à nouveau, à la fin de l’expiration, abandonnez-vous.
Répétez cette respiration quelques fois. Sans forcer quoi que ce soit. Le souffle reste doux, subtil et s’allongera peu à peu. (Vous devez observer plus que faire).
Ensuite, détendez-vous complètement quelques instants en laissant la respiration se faire d’elle-même.
Voilà une façon simple de reprendre contact avec le souffle.

Pour quelques instants, plutôt que d’oublier le souffle et de l’obliger à suivre le rythme de notre activité physique, psychologique ou mentale, revenons au souffle et alignons-nous avec lui..
Selon Prashant Iyengar, comme l’eau dissout le sel ou le sucre, le contrôle du souffle peut dissoudre les défauts du mental. L’ego aussi se dissout.
« À l’expiration, nous cessons d’être quelqu’un (alors qu’en inspirant, nous redevenons quelqu’un). Demeurer un moment dans cette dissolution permet de dénouer des nœuds.. » Bouchart D’Orval.

Gratitude envers le souffle.
Gratitude envers la vie.


Où aller?

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Patanjali nous a parlé aux sutra I.30 et I.31 des obstacles qui se présentent sur la route, obstacles qui mènent à cittaviksepa, un mental perturbé, fluctuant, instable. Au sutra I.33, il nous guide vers cittaprasadanam, le mental clair, serein, calme, apaisé.
I.33 Maitri karuna mudita upeksanam sukha duhkha punya apunya visayanam bhavanatah cittaprasadanam

Maitri : amitié, bienveillance
Karuna : compassion
Mudita : joie
Upeksanam : indifférence
Sukha : bonheur
Duhkha : malheur, souffrance
Punya : vertu
Apunya : vice
Visayanam : concernant un objet, envers
Bhavanatah : entretenir, développer, cultiver
Cittaprasadanam : rayonnement serein de la conscience, sérénité

Pour que la sérénité rayonne en nous, il faut cultiver l’amitié, nous réjouir avec ceux qui sont heureux, être compatissants avec ceux qui souffrent, se réjouir devant la vertu et être indifférents devant le vice.

Évoquant maitri – amitié, karuna – compassion, mudita – joie, upeksanam – indifférence, B.K.S. Iyengar (La voie de la paix intérieure) parle des qualités saines et guérisseuses de la conscience.
Saines et guérisseuses.
Saines et guérisseuses
« Ces Cinq Qualités Saines et Guérisseuses sont comme un baume dont nous pouvons frictionner notre peau et qui, progressivement, pénètre l’épiderme, les muscles, les fibres, et soulage la douleur en profondeur ». B.K.S. Iyengar.
Prenez soin de vous,
À bientôt.