La peur de la mort nous gâche la vie

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Dernière dans la liste des klesa (afflictions), apparaît abhinivesa, la peur de la mort.

II.9 Svarasavahi vidusah api tatha arudhah abhinivesah

Svarasavahi : amour spontané de la vie
Vidusah : homme sage, savant, érudit
Api : même
Tatha : de la même façon
Arudhah : étendu, enraciné
Abhinivesah : attachement à la vie, instinct de conservation, peur de la mort

L’attachement à la vie (donc la peur de la mort) est la plus subtile des afflictions. Elle existe même chez les sages.
La peur de la mort est présente en chacun de nous. Nous aimons la vie. La peur de la mort nous gâche la vie!
La peur de la mort est la seule peur ; les autres n’en sont que des variantes, dit Bouchart D’Orval.
Que faire devant la peur? Toutes ces peurs?
J’ai peur mais je ne suis cette la peur.
Il faut prendre soin de la partie de nous qui s’inquiète. Elle a droit à une petite place. Mais pas toute la place.
Les afflictions (klesa) nous empêchent de vivre le présent. Elles nous empêchent d’être heureux.

Revenons aux valeurs sûres. Recréons la paix intérieure. Le yoga nous offre des outils précieux pour ce faire. La pratique des asanas et du pranayama doit être un port d’attache, un refuge ou on trouvera la paix du cœur.

Selon B.K.S. Iyengar, -Si je dis : « Détendez votre cerveau » vous ne pouvez pas le faire. Si je vous mets dans un asana spécifique, votre cerveau se détend et vous devenez calme. Telle est la beauté du yoga. Si vous faites Halasana, votre cerveau devient complètement calme. Si vous êtes mentalement abattu, vous pouvez faire Setu Bandha Sarvangasana pendant 10 minutes, et votre dépression disparaît sans que vous sachiez comment cette transformation s’est produite. Voila comment on utilise le corps pour travailler l’esprit. Lorsque l’esprit souffrant et déprimé est guéri, la lumière de l’âme peut rayonner jusqu’à la surface de notre être -.

Alors, déroulons le tapis de yoga.
Bonne pratique.


Détester

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Les sources d’affliction ou de souffrance sont toujours présentes dans nos vies. Patanjali parle des klesa. Le quatrième de ces klesa est dvesa, haine ou aversion.
On a vu, au sutra II.7, que le plaisir mène à l’attachement.

II.8 Duhkha anusayi dvesah

Duhkha : tristesse, malheur, douleur, chagrin, détresse
Anusayi : lien étroit, adhésion à, qui vient de
Dvesah : dégoût, aversion, refus, haine

Le malheur engendre l’aversion.

Bien sûr, nous n’aimons pas souffrir, nous aimerions éviter le chagrin, la tristesse. Nous détestons ces sentiments. Cette détestation est une sorte de lien. On peut donc se retrouve attaché. -L’aversion, c’est l’adhésion à la souffrance, l’aversion est liée à l’attachement- dit Bouchart D’Orval.
L’attachement au plaisir est une servitude. La détestation, le refus de la souffrance est aussi une servitude. Les deux nous empêchent de vivre dans le présent.
Personne n’est à l’abri de la tristesse ou du malheur. Il ne faut pas le nier.
Toujours se rappeler qu’on est plus grand que l’émotion que l’on ressent. J’ai du chagrin mais je ne suis pas ce chagrin. Je ne veux pas le nier mais je ne veux pas qu’il prenne toute la place. Je ne veux pas qu’il me noie.

Il ne sert à rien de détester le malheur. Cette détestation devient un autre malheur.

Il faut prendre soin de soi. Prendre soin de Soi.
Cultivons la beauté et la bonté.
Cultivons d’abord la bonté envers soi.

Voici une petite prière bouddhiste que l’on peut réciter pour soi :
Puisse la compassion m’envelopper
Puissent ma douleur et ma peine être soulagées
Puissé-je être en paix.

Et pour les autres :
Puisse la compassion t’envelopper
Puissent ta douleur et ta peine être soulagées
Puisses-tu être en paix.

Prenez soin de vous.
À bientôt.


S’attacher. Être attaché.

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Après avidya -l’ignorance- et ahamkara– l’ego, le troisième klesa (affliction ou source de souffrance) est raga, désir, attachement.

II.7 Sukha anusayi ragah

Sukha : bonheur, douceur, bien-être, plaisir
Anusayi : lien étroit, adhésion à
Ragah : attirance, désir irrésistible, attachement.

Le plaisir mène au désir et à l’attachement émotionnel.

L’attachement consiste à ne pas être relié de façon correcte. C’est d’être accroché à quelque chose ou quelqu’un.
Ressentir un besoin pressant d’acquérir quelque chose que nous n’avons pas.
C’est s’attacher. Être attaché. En vouloir encore. En vouloir plus.
Être attaché à un monde transitoire et ne pas aimer le changement.
« Vouloir reproduire une expérience particulière encore et encore, c’est la recherche du plaisir et cela mène à la souffrance. Ce mécanisme compulsif et répétitif tient à notre incapacité de déceler le désir véritable en nous, qui est toujours le non-désir, la paix profonde ». Bouchart D’Orval
La joie? Le bonheur? C’est quand, dit Swami Prajnanpad, « je n’espère rien d’autre que ce qui est ».

Tout un programme.

À bientôt.


Et moi et moi

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Au sutra suivant, Patanjali nous parle de la deuxième source de souffrance (klesa), égoïsme ou orgueil.

II.6 drk darsanasaktyoh ekatmata iva asmita

Drk: pouvoir de vision, celui qui voit
Darsana : pouvoir de voir, percevoir, vision
Saktyoh : capacité, puissance, pouvoir
Ekatmata : de même nature, une seule identité
Iva : comme si
Asmita : égoïsme

L’égoïsme est la confusion entre celui qui perçoit et l’instrument de perception.

Au départ, asmita c’est la conscience d’exister individuellement. Notre individualité unique et sans tache.
Selon B.K.S. Iyengar, la fragile et magnifique tige d’individualité qui réside en chacun de nous, pure dans son origine et dans son intention, rencontre, en évoluant, le phénomène du monde extérieur – vêtements, filles, garçons, voitures, position, titres, argent, pouvoir et influence – et se retrouve subséquemment teintée par lui.
Il devient alors ahamkara, l’ego.
Et l’ego ne fait pas la différence entre le transitoire et le permanent. Il ne fait pas la différence entre apparence et essence.
On compare l’ego au filament d’une ampoule électrique qui, parce qu’il s’allume, croit être la source de la lumière.
L’ego (ahamkara) a un rôle à jouer mais il ne doit pas être le chef d’orchestre. Il fait partie de citta, la conscience, avec les deux autres composantes, manas -le mental, et buddhi – l’intelligence.
L’ego prend ses décisions à partir de la satisfaction des désirs, il choisit ce qui semble agréable, il choisit le paraître plutôt que l’être.
L’ego est un instrument nécessaire à notre vie mais il ne doit agir seul, il ne doit pas se substituer à l’âme.
Lorsque l’ego (ahamkara) prend toute la place, la lumière de l’âme n’éclaire plus la conscience.
« Lorsque l’ego est tranquille, la conscience pressent la réalité de l’âme, et la lumière de l’âme s’exprime à travers la conscience translucide » B.K.S. Iyengar

À bientôt


Errance

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Après avoir identifié (sutra II.3) les sources des souffrances qui nous affligent, Patanjali précise, au sutra II.4, que la première, avidya, l’ignorance (ou errance, aveuglement) est la source de toutes les souffrances, qu’elles soient latentes, faibles, intermittentes ou pleinement manifestées.
Ensuite Patanjali définit avidya :

II.5 Anitya asuci duhkha anatmasu nitya suci sukha atma khyatih avidya
Anitya : impermanent
Asuci : impur
Duhkha : souffrance, détresse, chagrin
Anatmasu : différent de l’âme, ce qui n’est pas le Soi
Nitya : éternel, permanent, constant
Suci : pur
Sukha : joie
Atma : âme, le Soi
Khyatih : opinion, point de vue, idée
Avidya : ignorance, aveuglement, absence de sagesse, errance.

L’ignorance, c’est confondre ce qui est transitoire avec ce qui est permanent, ce qui est impur avec ce qui est pur, la souffrance avec la joie et ce qui n’est pas le Soi avec le Soi.

Nous sommes dans l’ignorance spirituelle quand nous oublions l’essentiel.
Yoga veut dire union. Être en union avec notre nature profonde. Cela veut dire être en contact avec la paix, la joie, la sérénité qui sont en nous.
Mais la plupart du temps, nous sommes en errance. Et plutôt que d’être en union, nous sommes décentrés, désunis. Nous nous éloignons de la source, nous la perdons de vue et la souffrance s’installe. Nous peinons ensuite à retrouver la route vers notre demeure intérieure. N’oublions pas que cette source de sagesse est toujours présente. Il suffit d’enlever le superflu pour la retrouver.

À bientôt