Un couple assorti

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Après nous avoir parlé des fluctuations du mental, Patanjali nous indique la voie à suivre pour s’en libérer. On se rappelle que le yoga est l’arrêt de ces fluctuations et que, quand ces fluctuations cessent, notre âme (le Soi, cela qui sait en nous, notre lumière intérieure) peut irradier et illuminer notre être.
I.12 Abhyasa vairagyabhyam tannirodhah
La pratique et le détachement sont les moyens qui permettent de calmer les fluctuations du mental.
Par la pratique et le détachement nous cessons d’être le jouet de ces mouvements.
Abhyasa
: pratique répétée, travail sur soi-même demandant effort et volonté
Vairagyabhyam : détachement, renoncement, ne pas s’identifier
Tannirodha
: contrôle des fluctuations
La pratique est la voie de l’évolution. Le détachement est la voie de l’involution. Inspiration et expiration.
Le détachement, c’est renoncer aux idées et actions qui nous bloquent sur la route, se libérer des désirs, pensées, émotions et passions qui font obstacle à la quête de liberté.
Quand on parle de pratique ici, bien sûr, cela concerne toutes les étapes du yoga, ou tous les pétales quand on compare le yoga à une fleur. La première étape ou pétale, c’est yama. Il s’agit d’un code moral constitué de cinq principes.
Le premier de ces principes est ahimsa
, la non-violence, le respect de la vie. Ne pas faire de tort aux autres et, bien sûr, ne pas se faire de tort à soi-même.
La pratique du yoga nous met face à notre être, à ses limites et à ses faiblesses mais aussi à ses forces, possibilités et grandeurs. Il faut les reconnaître toutes. Puis les regarder avec détachement, équanimité, un esprit égal.
Non, ce n’est pas facile.
Y a-t-il des recherches intéressantes et faciles? Et cette recherche n’est-elle pas la plus intéressante de toutes?
Bonne route,
À bientôt


Chaque matin le jour se lève

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Aujourd’hui, avant de poursuivre notre route dans les Yoga Sutra, je vous présente un court extrait du Rig Veda (collection d’hymnes sacrés de l’Inde antique). Il est toujours important de se nourrir de beauté. Il est toujours essentiel de distinguer le temporaire du permanent.

Hymne à l’aurore

Jusqu’à présent toujours la Déesse Aurore s’est levée.
Aujourd’hui encore la Généreuse est apparue.
Elle se lèvera dans les jours ultérieurs.
Sans vieillir, sans mourir, elle marche selon son destin.

Avec ses parures elle a brillé dans les portiques du Ciel ;
la déesse a rejeté d’elle le noir ornement.
Réveillant les hommes l’Aurore arrive
sur son bel attelage, avec ses roses chevaux.

Apportant les largesses désirées,
elle dispose son emblème lumineux au loin visible.
Dernière des Aurores passées, première de celles
qui toujours nous éclairent, elle a resplendi.

Dressez-vous ! L’esprit de vie est en nous ;
les ténèbres s’en sont allées, la lumière arrive.
Elle a dégagé la route pour que le soleil s’avance :
nous accédons aux lieux où la vie se prolonge.

Rig Veda 1.113 (extrait) tiré de Le Veda,Jean Varenne, Les Deux Océans, Paris

Belle journée à vous,
À bientôt


Qui sont les perturbateurs?

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Dans les sutra suivants ( I.5 à I.11), Patanjali nous dit que les fluctuations (mouvements) de la conscience peuvent être visibles ou cachées. Elles peuvent être (ou non) porteuses de détresse et de souffrances, elles peuvent être agréables ou désagréables, connues ou non.
Patanjali parle de cinq perturbations (mouvements) de la conscience :
Pramana: C’est la perception juste, une connaissance juste et directe, elle peut aussi provenir d’un raisonnement correct ou de témoignages valides.
Viparyaya : C’est une perception erronée, fondée soit sur une impression trompeuse de la réalité, sur une déformation de la réalité ou une perception incomplète de la réalité.
Vikalpa : C’est une connaissance illusoire, c’est l’illusion, le fantasme. N’est pas fondée sur la réalité.
Nidra : Le sommeil sans rêves, absence inconsciente de fluctuations.
Smrtih : La mémoire. Elle nous permet de revoir les expériences passées. Elle peut nous maintenir dans l’illusion mais c’est aussi elle qui se rappelle la connaissance qui disperse cette illusion.
Connaître ces notions nous permet d’avoir un regard critique sur notre processus mental et d’évaluer quel vritti (fluctuation) est à l’œuvre. Le premier d’entre eux, pramana, est notre meilleur allié. Buddhi, notre intelligence y est à l’œuvre avec un outil précieux, le discernement.
Ces notions peuvent s’appliquer à la pratique sur le tapis…à quel moment ma perception est-elle juste, à quel moment est-elle erronée, à quel moment suis-je dans l’illusion?
Dans les sutra suivants, Patanjali nous offre des outils pour calmer les fluctuations de la conscience. Plus loin il nous parle, entre autres, des afflictions auxquelles nous devons faire face, des obstacles que nous pouvons rencontrer et comment y faire face. Croyez-moi, c’est passionnant!
Bonne pratique, à bientôt.


Ma troupe d’acteurs

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L’arrêt des fluctuations du mental…
On l’expérimente devant la beauté de la nature, un coucher de soleil, une œuvre d’art. Un instant. Il nous sort de nous-mêmes ou plutôt il fait disparaître tout l’accessoire en nous. Pour un instant je ne suis que témoin. J’expérimente la totale présence.
Quand j’ouvre la bouche pour dire que c’est beau, c’est déjà différent.
Je suis redevenu quelqu’un. Qui?
Qui a parlé?
Est-ce un des locataires?
Les locataires en nous. Même Mafalda a parlé « du locataire à l’intérieur »
Ils peuvent être nombreux….celui qui sait, celui qui doute, celui qui juge, l’enfant inconsolable, l’orphelin, l’inquiet, celui qui veut plaire, le blasé, le revenu de tout. Il y a aussi le studieux, le généreux, le compatissant, le joyeux, et autres.
Chacun de nous a sa propre compagnie d’acteurs. Chacun d’eux aimerait avoir le premier rôle.
Et on sait que chaque locataire veut être propriétaire.
Certains parlent plus fort que d’autres. Difficile de les faire taire.
La pratique du yoga nous aide à faire la paix.
Elle nous ramène au centre.
Tranquille et paisible, je peux décider à qui donner la parole et qui vaut la peine d’être écouté. Celui-là n’empêche pas la lumière d’entrer.
À bientôt


Mais voilà….

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Nous avons vu dans le sutra I.3 que lorsque les mouvements du mental cessent, l’âme, notre essence, notre flamme intérieure (le témoin radieux dit B.K.S. Iyengar) peut resplendir et illuminer notre être. Mais….Patanjali nous dit ensuite :

I.4 Vrtti sarupyam itaratra

Autrement, le témoin s’identifie aux fluctuations du mental

Vrtti : fluctuation
Sarupyam : identification
Itaratra : autrement, à d’autres moments

Lorsque le témoin s’identifie aux fluctuations du mental (pensées, émotions), il s’unit à ces fluctuations, oublie sa conscience radieuse et n’irradie plus sa lumière.

La conscience (le mental) peut être comparée à une lentille optique dirigée vers une source de lumière. La surface supérieure de la lentille est obscurcie quand nous nous identifions à nos pensées ou à nos émotions.
L’eau calme laisse voir le trésor au fond de l’eau alors que l’eau agitée nous empêche de voir le fond.

Ah les pensées….
On s’identifie avec la pensée
On devient la pensée
On perd la distance, le détachement, on perd le pouvoir.
On peut regarder la pensée mais garder un peu de distance…
On peut regarder la pensée, mais on ne doit pas garder la pensée. On ne doit pas s’y attacher
Ne pas devenir la pensée
Si vous étiez une ville, dit Guruji, laisseriez-vous entrer dans votre port un bateau plein de matières toxiques ? De la même façon, pourquoi laisser une pensée toxique entrer dans votre esprit ?

Tout cela devient source de souffrance et nous avons peur.
Si tu as peur de souffrir, dit un proverbe soufi, tu souffres déjà.

La pratique du yoga nous aide à tant de niveaux. Elle est bénéfique pour tous les organes et systèmes de notre corps. Elle permet à l’énergie de mieux circuler.
Elle permet à la lumière de circuler.

À suivre….